Très attendu, le décret sur le « permis de faire » a été publié au JO. Il précise les conditions d’application de cette nouvelle possibilité pour la maîtrise d’ouvrage.
Après l’ordonnance, le décret. Le nouveau droit à expérimenter dans le bâtiment – en théorie effectif depuis le 1er février 2019 – dispose enfin d’un cadre fixe et précis. Un décret, publié au JO du 12 mars, vient en effet préciser les modalités d’application de cette nouvelle possibilité, ouverte aux maîtres d’ouvrage via l’ordonnance du 30 octobre 2018.
Objectifs généraux
Performance énergétique et environnementale, accessibilité, protection incendie, mais également aération, acoustique, risque sismique, réemploi des matériaux, protection contre les insectes xylophages et construction à proximité des forêts…. Le nouveau décret rappelle en premier lieu les nombreuses règles de construction auxquelles il est désormais possible de déroger. À condition que le maître d’ouvrage sélectionne une solution à « caractère innovant, d’un point de vue technique ou architectural » équivalente.
Par exemple, concernant la performance énergétique et environnementale, le texte cite les articles R. 111-20 du Code de la construction et de l’habitation instaurant la RT 2012 et R. 131-26, du même code, précisant les conditions d’application de la RT existant.
Dans les cas où « la règle de droit commun n’énonce ni performance attendue, ni résultat ou objectif à atteindre », le décret liste une série d’« objectifs généraux » minimum. Là encore, concernant la performance énergétique et environnementale, le maître d’ouvrage pourra déroger afin que « les bâtiments ainsi que leurs installations de chauffage, de refroidissement, de production d’eau chaude sanitaire, d’éclairage et d’aération » soient « conçus et construits de manière à ce que la consommation d’énergie requise pour une utilisation normale reste la plus basse possible. Ils doivent assurer à leurs occupants des conditions de confort suffisantes et des conditions de santé à un niveau équivalent à celui que permettent d’atteindre les règles de droit commun ».
Organismes compétents
Le second volet du décret précise les caractéristiques des organismes en capacité de délivrer cette « attestation d’effet équivalent », selon les domaines. Déroger aux règles de protection et de sécurité incendie relèvera ainsi des laboratoires agréés ou des « organismes reconnus compétents par le ministre de l’Intérieur, en application des dispositions de l’article DF4 de l’arrêté du 25 juin 1980 ».
En matière d’aération, d’accessibilité du cadre bâti, de performance énergétique et environnementale, d’acoustique et de gestion des matériaux et leur réemploi, le choix sera plus large. Le maître d’ouvrage pourra donc recourir à trois types d’organismes, là encore selon les domaines concernés : structures de contrôle technique, structures publiques (CSTB et Cerema) et « organismes détenteurs d’un certificat de qualification avec le plus haut niveau possible de compétence dans le domaine de la maîtrise d’œuvre et spécifiquement dans le domaine concerné par la solution d’effet équivalent ».
Pour rappel, l’ordonnance publiée en octobre précisait que ces organismes de contrôle ne devaient pas entretenir de lien avec le maître d’ouvrage ou le constructeur « de nature à porter atteinte » à leur indépendance.
Attestation
Le décret décrit également précisément les modalités pratiques du dispositif de double contrôle par une tiers partie indépendante – en amont puis en aval de l’opération – instauré par l’ordonnance. Pour décrocher son « droit à expérimenter », le maître d’ouvrage devra ainsi remettre à l’organisme de contrôle compétent un dossier de demande complet.
Celui-ci comprendra des pièces relatives à la description du projet (plan détaillé, liste des compétences et qualifications des constructeurs intervenants sur l’opération…), aux conditions de réalisation du projet (preuve que les moyens ou dispositifs permettent d’atteindre les objectifs assignés aux règles de droit commun…) et au contrôle de la bonne mise en œuvre de la solution d’effet équivalent (protocole décrivant les modalités permettant de contrôler, au cours de l’exécution des travaux, que les moyens mis en œuvre sont conformes à ceux décrits)…
« Au vue des preuves fournies par le maître d’ouvrage », l’organisme retenu sera chargé de délivrer, ou pas, la précieuse « attestation d’effet équivalent ». Celle-ci sera remise au maître d’ouvrage et jointe au « dossier de demande d’autorisation d’urbanisme ». Conformément à l’ordonnance, ce même organisme sera également chargé de s’assurer de « la bonne mise en œuvre des moyens utilisés par le maître de l’ouvrage » au cours de l’exécution des travaux, puis à leur achèvement.
[MAJ du 18/3/2019 : Une charte et un appel à projets ont été lancés par les pouvoirs publics pour stimuler la filière. Pour en savoir plus]
[MAJ du 27/3/2019 : Un guide d’application de l’ordonnance n°2018-937 et des décrets qui lui sont liés à destination des maîtres d’ouvrage est disponible ici]
Et maintenant ?
Attention, à peine installé, ce nouveau cadre est amené à évoluer à nouveau très prochainement. L’article 49 de la loi Essoc, qui encadre ce nouveau droit pour le maître d’ouvrage, annonçait en effet la publication d’une seconde ordonnance.
Celle-ci « conduira à une réécriture du livre Ier du Code de la construction et de l’habitation ». Avec l’objectif de proposer aux maîtres d’ouvrage « la possibilité de plein droit de satisfaire à leurs obligations en matière de construction en apportant la preuve qu’ils parviennent, par les moyens qu’ils entendent mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence », peut-on lire dans le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018. Cette nouvelle ordonnance doit être publiée « dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi » Essoc, intervenue le 10 août 2018, soit d’ici le 10 février 2020.
Dernier point, le décret publié le 12 mars abroge le cadre précédent, créé par le décret du 10 mai 2017. Jusqu’à présent, le droit à expérimenter était autorisé aux seuls maîtres d’ouvrage d’équipements publics et de logements sociaux. Et dans deux domaines uniquement : la protection contre les risques d’incendie et l’accessibilité.