Dans ce courrier, elles* lui demandent de revoir les calculs du facteur d’énergie primaire et du contenu carbone de l’électricité dans la future réglementation. Deux sujets qui divisent le monde de l’énergie depuis plusieurs semaines.
Cela bruissait depuis le 14 janvier. Ce jour-là, le ministère de la Transition écologique publie son communiqué annonçant l’entrée en vigueur de la RE2020 au 1er janvier 2021 et, surtout, la modification du coefficient de conversion entre énergie primaire et énergie finale de l’électricité, dans le cadre de cette nouvelle réglementation.
Actuellement fixé à 2,58, ce coefficient serait amené à diminuer, pour atteindre 2,3. Dans la même logique, le Ministère indiquait sa volonté d’actualiser le facteur d’émission de CO2 de l’électricité utilisée pour le chauffage à 79 g/kWh (contre 210 g/kWh actuellement selon les 13 signataires du courrier).
Deux décisions techniques qui auront pour conséquence d’alléger le poids de l’électricité dans la consommation énergétique global du bâtiment, reléguant de facto les autres énergies – bois, géothermie, solaire, biogaz – en arrière-plan.
Pointe d’hiver
Un cadeau adressé à la filière électrique auquel 13 organisations professionnelles* – représentant les filières gaz, réseaux de chaleur, énergie solaire – s’opposent, alors qu’une concertation doit s’ouvrir au printemps.
Dans le courrier adressé au Premier ministre le 29 janvier et rendu public dans la foulée, elles dénoncent ainsi « une modification très substantielle du fait que le facteur d’émission de l’usage chauffage de l’électricité passerait, artificiellement, d’une valeur actuellement de 210 grammes CO2/kWh à 79 grammes CO2/kWh. Autrement dit, le même radiateur électrique émettra demain 2,6 fois moins de carbone sans avoir rien modifié sur le fond ».
Pour elles, ce coefficient de 210 grammes CO2/kWh « repose sur la réalité du mix énergétique de la pointe d’hiver liée au chauffage (qui est absorbée par des installation de production électrique, en grande partie thermique) alors que la nouvelle valeur proposée, bien que dénommée, à tort, « par usage » ne représente que la moyenne totale en hiver de l’impact carbone, tous usages confondus ».
Concernant l’abaissement du coefficient de conversion de l’électricité, les 13 organismes critiquent une décision prise « en se fondant sur une projection hypothétique du mix énergétique français moyen sur les 50 prochaines années plutôt que sur la réalité actuelle ».
Ils demandent à être reçus par Matignon afin « d’exposer la situation et l’impact de ces orientations sur les solutions que nous mettons quotidiennement en œuvre ».
Réactions variées
Depuis quelques semaines, les prises de position saluant ou critiquant les annonces gouvernementales se multiplient. Fin novembre, un mois et demi avant les annonces officielles, le bureau d’études Enertech, bien informé, ouvrait le bal en publiant un billet sur son blog dénonçant le risque d’une « marche arrière ». Le texte, devenu depuis une pétition signée par près de 2000 professionnels, listait un ensemble de critiques : disparition du bilan Bepos, « attaques » sur le coefficient 2,58 et les EnR électriques…
Et la valse des communiqués s’est accélérée à la suite de la publication du communiqué ministériel mi-janvier. Le 16 janvier, le collectif Effinergie écrivait : « Un certain nombre de rumeurs sont confirmées et auront des grandes conséquences sur les choix d’énergie en privilégiant l’électrique (…) Signalons également que le communiqué de l’Etat ne mentionne pas le Bâtiment à énergie positive (BEPOS) annoncé depuis 10 ans via la loi Grenelle et réclamé par Effinergie et de nombreux acteurs ». Le 23 janvier, c’est au tour de NégaWatt de dénoncer « des valeurs injustifiées »
À l’inverse, sans surprise, l’association Équilibre des énergies – qui rassemble la plupart des acteurs de la filière électrique – a salué dans un communiqué du 29 janvier les dispositions prises par le Gouvernement « qui allègent les contraintes pesant sur le développement de l’électricité ».
L’association rappelle également que ces décisions gouvernementales « ne favorisent pas le chauffage électrique par convecteurs plus que d’autres usages de l’électricité » hors, pour Équilibre des Energies « les logements chauffés à l’électricité (par PAC ou par radiateurs et non plus par convecteurs) ont toujours été mieux isolés que les logements chauffés aux combustibles fossiles ».
Équilibre des énergies répond également sur le coefficient de conversion. « À titre de solution transitoire, Equilibre des Energies avait proposé à l’administration de s’aligner sur le coefficient par défaut de 2,1 préconisé par la Commission européenne ». Côté, contenu du CO2 du kWh électrique, « au mois de janvier 2020 par exemple, les émissions n’ont excédé 76 g/kWh », indique l’association. La concertation du printemps s’annonce donc agitée.
* Association française du gaz (AFG), Amorce (réseaux de chaleur), comité français Butane Propane, Comité Interprofessionnel du Bois- Energie (Cibe), Coénove (filière gaz), Énergies et avenir (chauffage eau chaude), Enerplan (énergie solaire), Fedene (chauffage urbain, valorisation déchets urbains), FFB UMGCCP (génie climatique et plomberie), Synasav (chauffage, climatisation, ventilation, traitement de l’air et production d’ECS), Uniclima (chaudière, ECS, PAC, ventilation…), Uprigaz (chaîne du gaz) et Via Séva (réseaux de chaleur).