Il est en consultation jusqu’au 2 mai 2019. Un ou plusieurs arrêtés devraient venir le compléter.
Le projet de décret précisant le cadre de l’article 175 de la loi Elan, soit les conditions de rénovation du parc tertiaire, est en consultation depuis quelques jours sur le site des consultations publiques du Ministère de la Transition écologique.
Le projet de décret précise la liste des bâtiments tertiaires concernés par cette nouvelle obligation, les niveaux de consommation attendus, les conditions de modulation ou encore « les modalités de mise en place d’une plateforme informatique permettant de recueillir et de mettre à disposition des personnes soumises à l’obligation (…) les données de consommation », conformément aux dispositions de la loi Elan, qui a fixé les objectifs de réduction des consommations d’énergie à atteindre dans les bâtiments tertiaires à compter de 2030 (au moins 40% par rapport à 2010).
Bâtiments concernés
Tous les bâtiments – publics comme privés – d’une surface plancher supérieure à 1000 m2 sont concernés, dès lors qu’ils sont « en service ». À cette règle générale, le décret précise « trois cas possibles » :
- surface de plancher d’une activité tertiaire unique supérieure à 1 000 m² (quel que soit l’usage principal du bâtiment) ;
- cumul des surfaces des activités tertiaires supérieur à 1000 m² (bâtiment à usage principalement tertiaire) ;
- activités sur une unité foncière sur plusieurs bâtiments (à usage principalement tertiaire) dont le cumul des surfaces est supérieur à 1 000 m².
Un découpage « assez peu lisible il faut l’avouer », analyse Localtis le site d’information des collectivités locales, qui rappelle par ailleurs que « l’ancien plafond de 2 000 m² excluait, selon l’étude d’impact, de fait 80% d’entre eux ».
Par ailleurs, le projet de décret exclut « les constructions provisoires, lieux de culte, usage opérationnel défense, de sécurité civile, et de sûreté intérieure », conformément à la Directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments.
Contraintes techniques
Les objectifs de réduction de consommation énergétique fixés par la loi – et dont les conditions sont déterminées dans la sous-section 2 du projet de décret – pourront cependant être modulés « en fonction de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments concernés », précise le texte.
Risque de pathologie du bâti, modifications importantes des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction (monuments historiques, sites inscrits et classés…), contradiction avec les « dispositions législatives et réglementaires relatives au droit des sols, au droit de propriété, à la sécurité des biens et des personnes, ou à l’aspect des façades et à leur implantation » pourront donc être invoqués pour ne pas mener certaines actions de maîtrise de l’énergie. Un arrêté viendra préciser ces conditions de modulation.
Disproportion financière
Autre facteur dérogatif envisageable cité dans le projet de décret : le volume de l’activité exercée dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments concernés, « en s’appuyant sur les indicateurs d’intensité pour des usages économes en énergie, propres à chaque catégorie d’activités et dans les conditions fixées dans un arrêté ».
Enfin, la disproportion entre coût global des actions de réduction énergétique et avantages attendus en matière de consommation pourra également être mise en avant. À condition de s’appuyer sur une argumentation technique et financière. Là encore, un arrêté viendra fixer « la valeur des temps de retour brut sur investissement différenciés selon le type d’action (rénovation énergétique, renouvellement d’équipement, actions d’optimisation des équipements) ainsi que leurs modalités de calcul ».
L’ensemble des éléments sera contenu dans un dossier « comportant une étude technique et énergétique », établi par « une personne qualifiée sous la responsabilité du propriétaire, et le cas échéant, du preneur à bail, pour justifier, en fonction de leurs responsabilités respectives, les modulations ».
Un arrêté viendra préciser la nature des justificatifs attendus, la méthodologie de l’étude technique et énergétique, la méthodologie du calcul d’ingénierie financière, la définition des indicateurs d’usages ainsi que les compétences requises pour l’exercice de la mission de la personne qualifiée.
Plateforme de recueil et de suivi
À compter de 2021, les assujettis à cette nouvelle obligation de rénovation devront transmettre « les éléments nécessaires au suivi et au constat du respect de leur obligation » à une nouvelle plateforme, qui sera mise en ligne par les pouvoirs publics : activité exercée, surface des bâtiments, données de l’année de référence, consommations énergétiques, éventuelles modulations…
La plateforme générera automatiquement « les consommations d’énergie annuelles ajustées en fonction des variations climatiques, par vecteur énergétique », « une information sur les GES », « une évaluation du respect de l’obligation » et « une attestation numérique annuelle ». Elle sera également consultable par le public (les données seront anonymisées) ainsi qu’« à des fins de recherche ».
À noter que le non-respect de cette nouvelle obligation de transmission pourra être sanctionné. Après plusieurs mises en demeure du préfet, une amende administrative « dont le montant ne dépasse pas celui d’une contravention de 5e classe, soit 1 500 euros pour les personnes physiques, et 7 500 euros pour les personnes morales » pourra être prononcée. Une procédure de carence pourra enfin être diligentée par le préfet, en conclusion « de non poursuite du programme d’actions ».
Et maintenant ?
Le projet est soumis à consultation jusqu’au 2 mai. Il faudra ensuite attendre la publication des arrêtés correspondants pour en savoir plus sur l’entrée en vigueur du texte. Il n’empêche qu’il vaut mieux se tenir prêt. « Les données relatives à l’année précédente sont transmises annuellement (à la plateforme de recueil et de suivi) à partir de l’année 2021 pour l’année 2020, au plus tard le 30 septembre de l’année en cours », précise le projet de décret.
Pour rappel, le premier décret encadrant la rénovation du parc tertiaire existant, découlant de la loi pour la transition énergétique, avait été annulé à l’été 2017 par le Conseil d’Etat, quelques jours avant son entrée en vigueur. Ce nouveau projet, découlant d’une concertation de plusieurs mois avec les acteurs du secteur tertiaire, ne devrait normalement pas prendre le même chemin.
[MAJ du 23 avril 2019] Dans un communiqué commun, quatre organisations professionnelles du génie électrique et énergétique* ont salué la « vaste concertation » menée en amont de la publication du projet de décret, qui a permis de « répondre aux inquiétudes soulevées par les acteurs de terrain répartis par groupes de travail sectoriels ». Elles regrettent cependant « l’atténuation du dispositif d’incitation et de sanctions qui portaient sur la non communication des données des bâtiments et la non atteinte des objectifs (…) le seul bon vouloir en matière de performance énergétique n’est malheureusement pas suffisant au regard des enjeux ».
* La FFIE (Fédération française des entreprises de génie électrique et énergétique), la Fieec (Fédération des Industries électriques, électroniques et de communication), le Gimélec (pilotage et optimisation de l’énergie) et le Serce (Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique).