Comment le syndic Neyrat conduit-il son premier chantier de rénovation énergétique ? Avec beaucoup de patience et un solide réseau de partenaires. Retour sur une opération encore trop rare : la rénovation niveau « BBC rénovation » de la Tour de l’Aubépin.
Tout est parti d’une problématique bien connue des gestionnaires de copropriétés : un inconfort récurrent en matière de chauffage, dont se plaignaient les copropriétaires chaque hiver. « Il faisait trop chaud dans les logements orientés au sud et trop froid dans ceux au nord. Les discussions revenaient chaque année, sans pour autant qu’une stratégie claire ne soit identifiée », se souvient Bastien Neyrat, dirigeant de Neyrat immobilier, le syndic gérant ce bâtiment de 48 logements construit en 1961 à Chalon-sur-Saône.
Au fil des ans, le projet de rénovation émerge. En 2015, l’audit énergétique obligatoire pour les copropriétés de plus de 50 lots est réalisé : outre une optimisation du système de chauffage (alimenté par le réseau de chaleur urbain), il préconise également un ravalement de la façade de l’immeuble. La consommation énergétique du bâtiment atteint alors 183 kWh/m2.an, soit un classement DPE au niveau D.
Le principe d’une rénovation globale est adopté quelques mois plus tard par l’ensemble des copropriétaires. L’audit a-t-il suffi pour les convaincre ? Oui et non. « Nous avons également pu compter sur un copropriétaire – architecte de profession – qui a sensibilisé ses voisins aux avantages de privilégier une approche globale », note le dirigeant. Un exemple de « leader énergétique », cher au sociologue Gaëtan Brisepierre ?
Éco-système
Le projet de rénovation validé, le syndic se met en quête de partenaires. « C’était un nouveau sujet pour nous aussi », rappelle Bastien Neyrat. Il se tourne alors vers Urbanis, qui va assurer l’AMO technique et financière du projet. « Leur équipe a « traduit » le projet contenu dans l’audit énergétique en travaux sous différents programmes de travaux, présentés ensuite à l’ensemble des copropriétaires qui se sont positionnés. Elle nous a également accompagné, au côté de l’agglomération du Grand Chalon, dans l’élaboration des différents montages financiers ».
Le syndic se rapproche également de H3C énergies. La société de services et conseils en énergies réalise de son côté l’analyse des besoins et la faisabilité du projet, puis, elle lancera l’appel d’offre Crem – conception réalisation entretien maintenance – destiné à recruter le groupement qui réalisera les travaux et assurera le suivi du chantier. Il est remporté par un groupement d’entreprises composé de BLB constructions, Sintec, Axe Architecture et Hervé-Thermique. Dernier partenaire à rejoindre l’équipe du syndic Neyrat : le cabinet BCV avocats qui prend en charge l’assistance à contractualisation du contrat de performance énergétique.
En 2017, le projet de rénovation conçu par le syndic en partenariat avec les différents partenaires de son éco-système est présenté aux copropriétaires. Suivront près de 50 réunions en deux ans afin de boucler le projet définitif. « Il y a eu des discussions sur tous les points », se souvient Bastien Neyrat.
Niveau BBC-rénovation
Les travaux ont débuté en juin 2019 et devraient durer un an. La façade sera recouverte d’une ITE mixte associant PSE et laine de roche. « L’isolation n’a pas pu été réalisée qu’avec la seule laine de roche car l’épaisseur des nez de dalle était trop importante. Les DTU interdisant le double panneautage en laine de roche, la solution a donc été de passer en isolation PSE, ce qui permet d’atteindre des épaisseurs d’isolants plus élevées », précise le responsable.
Les menuiseries simple vitrage des parties communes et celles encore présentes dans quelques appartements seront remplacées par du double vitrage, et une VMC double flux, moins énergivore, se substituera à la VMC existante. Enfin, chaque appartement sera équipé d’une régulation pour son plancher chauffant. Après-travaux, la consommation énergétique conventionnelle sera de 83 kWh/m2.an (Note B en DPE).
Au total, les travaux reviennent à 27 000 euros par copropriétaire. Mais de nombreuses subventions et aides – de la ville, de l’agglomération, du département, de la région, de l’Anah (pour les ménages modestes), de l’Ademe (pour les copropriétés rénovées niveau BBC-rénovation), de Procivis (pour les ménages modestes) ainsi que la valorisation des CEE permettent de diviser la note par deux. « Le reste à charge oscille entre 17 000 et 4000 euros pour les plus modestes ». Un éco-PTZ collectif a également été souscrit.
Le syndic a également pu profiter de l’accompagnement du Grand Chalon dans le cadre du programme d’intérêt général « rénovation énergétique des copropriétés pilotes », lancé par la collectivité via un appel à candidature. « Nous avons bénéficié d’aides financières et de conseils pour sélectionner les professionnels, identifier l’ensemble des aides ».
CPE
Dernière originalité de cette rénovation : la conclusion d’un contrat de performance énergétique à l’issue des travaux. « Le CPE est ce qui a permis de sécuriser l’ensemble des copropriétaires par rapport au projet, au regard des soucis de chaudière rencontrés avant les travaux. Le prestataire s’engage sur un niveau de consommation maximum. En cas de dépassement, l’exploitant prend en charge le surplus des consommations et devra s’acquitter de pénalités contractuelles et confidentielles », rappelle le syndic de copropriété.
Approche globale, accompagnement par des professionnels, sécurisation des travaux… La recette mise au point pour la rénovation de la Tour de l’Aubépin devrait être dupliquée dans neuf autres copropriétés gérées par le syndic.
Zoom : une appli pour communiquer sur l’avancée des travaux
Les copropriétaires de la Tour de l’Aubépin seront informés en temps réel par les fournisseurs et le gestionnaire de l’avancée des travaux et des éventuelles contraintes engendrées via l’appli Inch, utilisée depuis plusieurs années par le syndic pour communiquer. « Nous avons également proposé d’installer un écran d’information dans le hall de l’immeuble mais cela n’a pas séduit les copropriétaires ».