Lancé il y a quelques mois, le projet Viliaprint vise à construire cinq maisons en béton 3D courant 2019. Avec une approche inédite, tant sur le plan technique qu’organisationnel.
L’impression 3D directement sur le chantier, c’est pour très bientôt. Le bailleur social Plurial Novilia (35 000 logements, 1000 nouvelles constructions par an) et la start-up francilienne XtreeE mènent actuellement les études préparatoires à la construction de cinq logements T4 en 3D, sur la zone de l’éco-quartier de Rema’Vert, à Reims. Le projet, lauréat de l’appel à projets « Architecture de la transformation 2018 » de la Caisse des Dépôts et l’USH bénéficie également du soutien du CSTB et de la FFB.
Viliaprint affiche en effet des exigences inédites en matière de construction 3D. À la différence de la maison Yhnova de Nantes – où chaque section de mur était composée de deux parois de polyuréthane imprimées en 3D et de béton coulé à l’intérieur – le projet de Plurial Novilia vise à construire par un robot 3D des prémurs multifonctionnels optimisés, avec des réservations incluses pour couler ultérieurement un matériau adapté (soit isolant, soit structurel).
« Installée sur le chantier et alimentée par un béton spécifique, la tête d’impression – technologie unique développée par XtreeE dans laquelle ce béton est directement modifié – est animée par un robot, pouvant atteindre jusqu’à 6 mètres par rapport à sa platine de fixation. C’est elle qui va construire directement les murs de la maison », explique Jérôme Florentin, directeur de la maîtrise d’ouvrage de Plurial Novilia.
Des « vides » très utiles
Cette technologie, développée par XtreeE depuis sa création en 2015, doit permettre en premier lieu de substantielles économies de matière première. « Avec cette approche, il est possible d’ériger des murs dans lesquels il y a « plus de vides que de pleins », rappelle Alain Guillen, cofondateur et membre de la Direction collégiale de la start-up. Le design étudié de ses murs permet de hausser sensiblement leurs qualités : les structures sinusoïdales développées créent en effet naturellement des « vides » intéressants tout en rigidifiant la structure ; d’un point de vue thermique car ils limitent les pertes de chaleur et écologique car ils permettent d’économiser entre 40 et 60% de matière par rapport à un mur plein de résistance équivalente.
Mieux, une partie de ces « vides » sera intégrée en amont et exploitée par le maître d’ouvrage pour y passer « câbles électriques, fourreaux de canalisations, pour injecter un isolant en mousse (sans contact avec le volume intérieur), ou couler du béton pour poser des armatures », liste Jérôme Florentin, qui poursuit : « l’impression 3D offre également de larges possibilités en matière d’architecture : les géométries complexes, ne seraient-ce que les murs courbes, sont beaucoup moins complexes à réaliser qu’avec un coffrage traditionnel ». Certaines maisons du projet devraient d’ailleurs inclure des murs courbes.
Garantie assurantielle
Côté performance énergétique, le bailleur vise a minima les niveaux exigés dans le cadre de la RT2012 et le respect du cahier des charges élaboré pour l’éco-quartier Rema’Vert (fenêtres en bois obligatoires par exemple). Les deux partenaires comptent également sur l’expérimentation pour décrocher une Atex du CSTB, une appréciation technique d’expérimentation, l’indispensable garantie assurantielle pour les techniques constructives ne disposant pas encore de suffisamment de références pour obtenir un avis technique.
Formation de la filière
Mais l’expérimentation vise plus loin que le précieux sésame du CSTB. La question des changements induits sur les méthodes de travail des différents intervenants va également être examinée de près. En phase de conception d’abord : impossible de travailler « en séquentiel » sur un projet innovant de ce type.
« Nous avons constitué un groupe de travail pluridisciplinaire, associant Plurial Novilia et XtreeE à l’architecte Christian Pottgiesser (architecturespossibles), au bureau d’ingénierie Bollinger + Grohmann et à l’entreprise de travaux Demathieu Bard Construction Il avance sur tous les sujets – fonctionnalité, qualité, coût, méthodologie…- simultanément », indique le directeur de la maîtrise d’ouvrage de Plurial Novilia. Dans ce cadre, l’utilisation de la maquette numérique apparaît indispensable.
Un changement de méthode est également attendue lorsque la construction des cinq logements débutera, si tout va bien au deuxième semestre 2019. « L’arrivée d’une machine à impression 3D sur le chantier pose des questions en termes d’organisation et de pratiques de travail, mais aussi de sécurité et de santé des compagnons intervenant à ses côtés… D’où l’intérêt de travailler sur ce projet avec la FFB et son syndicat gros œuvre », ajoute Alain Guillen. En retenant la PME régionale Demathieu Bard Construction, l’expérimentation contribuera également à lancer un autre chantier déterminant : celui de la formation des compagnons aux nouvelles méthodes constructives.
Combien ça coûte ?
Si l’ensemble des partenaires se sont fixés pour cette opération un coût de l’ordre de 2000 euros/m2 – soit 30% de plus qu’une construction classique – ils s’attendent à une diminution des coûts rapides, d’abord grâce à une optimisation technique et organisationnelle accrue dès les projets suivants, puis avec la baisse du coût des machines et de la matière première.
« À la livraison des cinq maisons, dont nous lancerons la construction au second semestre 2019, nous mettrons à disposition des autres bailleurs sociaux qu’ils le souhaitent notre dossier de travail complet pour qu’ils reproduisent l’opération », prévient Jérôme Florentin.