Retour sur la journée organisée par l’association Apogée, qui a livré un tour d’horizon étourdissant des nouvelles possibilités ouvertes par l’IA dans le secteur immobilier.
Optimiser la stratégie de rénovation énergétique d’un immeuble, anticiper les impayés de loyers, assurer une maintenance prédictive des ascenseurs, personnaliser la relation client, reconnaître automatiquement un objet à intégrer dans une maquette BIM, analyser de manière exhaustive un marché immobilier… La journée d’échanges, organisée par l’association Apogée le 11 septembre dernier, a fourni un état des lieux détaillé des nouvelles possibilités ouvertes par l’IA dans le secteur immobilier. Et si pour l’instant peu d’expérimentations ont abouti, startups, grands groupes et maîtres d’ouvrage sont désormais dans les starting-blocks.
Maintenance prédictive
Et notamment les bailleurs sociaux, qui multiplient les tests grandeur nature. C’est le cas de 1001 Vies habitat qui s’est associé début 2019 avec l’ascensoriste Koné pour tester un système de maintenance prédictive sur 18 cabines multimarques de son parc. « Chaque ascenseur a été équipé d’une box dotée d’une dizaine de capteurs communicants (bruit, lumière, température, humidité, pression, porte…) avec la plateforme de Koné. Les informations transmises sont traitées via Watson, l’IA d’IBM, qui compare en permanence les informations remontées par les capteurs avec l’ensemble des data enregistrées par Koné sur ces systèmes. La plateforme nous retourne les besoins de maintenance par comparaison avec les défauts similaires enregistrés et alerte le service technique concerné, qui peut ainsi agir en conséquence », détaille Fabrice Mondon, responsable Pôle équipements du bailleur social. Avec à la clé des déplacements en moins et une qualité de service améliorée. La suite ? « Peut-être que nous intégrerons ce principe dans nos appels d’offres d’ici 3 à 4 ans », indique-t-il.
Autre bailleur social, autre stratégie. Le géant Action Logement a également testé l’intelligence artificielle dans plusieurs domaines, notamment la rénovation énergétique. « Nous avons expérimenté la plateforme Tipee, qui fait se croiser à grande échelle les données énergétiques et économiques d’un bâtiment afin de multiplier les scénario de travaux », rappelle Marine Carrat, directrice innovation du groupe Action Logement.
Chatbot
Deux autres bailleurs sociaux – Est métropole habitat et Paris Habitat – se sont de leur côté lancés dans un test de chatbot s’appuyant sur l’IA afin de fluidifier leur relation client. « Nous avons déployé chez eux notre solution pour répondre aux questions des locataires (sur le surloyer pour Paris Habitat et sur la première demande de logement social pour Est métropole habitat) », explique Olivier Cathelineau, dirigeant de la startup monLogement.ai
Autre expérimentation présentée lors de la journée : le test conduit par CDC habitat pour tenter d’une part, de prédire la vacance de longue durée de son parc locatif et, d’autre part, de connaître l’optimum entre délai de commercialisation et prix de vente de ses logements intermédiaires. Le résultat est en demi-teinte : si le scoring de logement – le fait d’attribuer une note de 0 à 100 exprimant le risque de vacance – a donné des résultats intéressants, la deuxième partie n’a pas convaincu Romain Jordan, directeur commercial et marketing de la CDC. « L’IA nous a permis de conforter l’idée que pour vendre vite, il fallait baisser le prix, ce que nous savions déjà ! », sourit le responsable.
BIM
Mais les bailleurs sociaux ne sont pas les seuls à s’emparer de ces technologies s’appuyant sur l’IA. Les collectivités ne sont pas en reste sur le sujet. Oscar Mannarella (chef de projet BIM chez Engie Axima Bim factory) a ainsi présenté le projet expérimental qu’il conduit actuellement avec la mairie de Montreuil à partir de sa maquette BIM. « L’objectif est de permettre la reconnaissance d’objets à partir d’un casque HoloLens de réalité augmentée. Concrètement, le technicien en mission sur site n’aura qu’à prendre en photo une porte pour que chaque modèle de porte identique soit ensuite reconnu automatiquement, et intégré à la maquette numérique ».
Conception, rénovation, location… L’intelligence artificielle est en train de se faire une place à chaque étape de la vie du bâtiment. La journée Apogée a ainsi permis de présenter également les activités de LegaLife (digitalisation du processus de vente et analyse des prospects), SoftLaw (analyse de baux commerciaux), Deepki (exploitation des données énergétiques, vous pouvez (re)lire notre « Retour d’expérience. La solution de pilotage énergétique Deepki externalisée chez Kiloutou »), Openergy (détection des écarts de consommations via un jumeau numérique du bâtiment) ou Price hubble France (aide à la décision pour les investissements immobiliers).
Intelligence artificielle « explicable »
Big data, machine learning, traitement du langage naturel, data learning, deep learning… Les acteurs de la filière vont désormais devoir se familiariser avec tous ces termes, qui contribuent à définir chaque jour un peu plus ce que l’on appelle l’intelligence artificielle. Artificielle ? La plupart des acteurs présents préfèrent plutôt aujourd’hui parler d’intelligence « assistée » ou « augmentée », puisqu’il s’agit encore d’applications programmées par l’homme et non de l’IA « brute », dont la « boîte noire » est impossible à expliquer précisément.
Malgré cela, de nombreuses interrogations subsistent. En termes de gestion de données comme de structuration de ces dernières, des problématiques assez proches de celles du BIM, mais pas seulement. « L’IA aura des impacts humains », prévient Claire Guidi, chef de service études économiques de la FFB, qui a rédigé un rapport sur l’intelligence artificielle et le bâtiment, publié au printemps dernier. S’il relève les nombreux apports de l’usage de l’IA, il pointe en parallèle les défis qu’elle pose au regard de l’éthique – quid des données sensibles personnelles et professionnelles ? quid des biais de situation ? – ou encore du « poids carbone » des objets connectés et des serveurs informatiques utilisés pour son déploiement.
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Pour en savoir plus sur l’association Apogée, rendez-vous sur son site ou au 01 40 44 90 64
Zoom : Le plan IA en France
Présenté en mars 2018 par le président de la République à la suite du rapport Villani, le plan français est piloté par Bertrand Pailhès, délégué interministériel à l’IA. Doté de 1,5 milliard d’euros sur 5 ans, il comprend trois axes de travail :
- stimulation d’un écosystème de talents autour de la recherche privée et publique, avec l’annonce de la création de 150 chaires spécialisées.
- diffusion dans l’économie et l’administration d’une « approche projets » via des hubs (santé, armée, mobilité…)
- réflexion autour de l’éthique de l’IA, à coordonner avec les réflexions européennes et internationales.
Si le bâtiment n’a pas été identifié comme une priorité au prime abord, la donne pourrait changer. Le délégué interministériel, invité à clôturer la journée, a en effet enjoint les professionnels présents à « essayer, se lancer, et ne pas faire d’ingénierie trop longue ».
En parallèle, la direction générale des entreprises a lancé un appel à projets « Mutualisation de moyens au service des filières et plateformes numériques de filières ». Il soutient des initiatives de mutualisation et de partage des données destinées à l’IA. Pour en savoir plus, c’est ici.
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Lire aussi sur le-flux.fr : « Bim4Value, un nouveau référentiel pour les usages du BIM » (3/4/2019)