Durcissement réglementaire et de la concurrence, retournement d’activité dans le bâtiment… Quelles perspectives offre le marché pour les acteurs du désamiantage à l’horizon 2021 ? Éléments de réponses avec Damien Nesme, auteur d’une étude sur le sujet pour Xerfi-Précepta.
Quel est votre scénario prévisionnel pour le marché français du désamiantage ?
Globalement, l’activité a été dopée par la demande croissante de foncier de la part des promoteurs et des investisseurs pour la construction de logements ou de locaux industriels, laquelle s’est traduite par un intérêt accru pour les friches industrielles. La réhabilitation de ces sites implique bien souvent d’effectuer des travaux de désamiantage.
Dans le même temps, les investissements consentis ces dernières années par les propriétaires immobiliers pour améliorer les performances énergétiques des bâtiments ont alimenté la demande. La plupart des bâtiments construits avant 1997 (date de l’interdiction de l’amiante en France) contiennent en effet de l’amiante. Le durcissement régulier de la réglementation offre également aux acteurs l’opportunité de réaliser des prestations plus complexes et donc plus rémunératrices. D’autres secteurs comme le ferroviaire ou le naval s’affirment également comme de nouveaux débouchés.
Dans ce contexte plutôt porteur, le chiffre d’affaires des professionnels des travaux de désamiantage a progressé en moyenne de 4,8% par an depuis 2015 tandis que celui des spécialistes de l’ingénierie et du diagnostic a augmenté de 3,9% par an sur la période. Mais le ralentissement de la conjoncture dans le bâtiment pèsera sur l’activité des désamianteurs, même si les sociétés de notre échantillon pourront encore se prévaloir d’une croissance d’environ 3,5% par an en moyenne d’ici 2021.
Le durcissement de la réglementation est-il forcément une aubaine pour les acteurs ?
Il y a en effet un revers à la médaille de l’inflation normative qui renchérit les coûts, à commencer par les dépenses de certification, de protection et de formation. Et comme ils ne peuvent embaucher qu’en CDI, les professionnels sont par ailleurs limités dans leur capacité à faire varier le poids de leur masse salariale en fonction de la demande. Dans ces conditions, leurs marges sont sous pression. Leur taux d’excédent brut d’exploitation a ainsi abandonné près de 4,5 points depuis 2011 pour s’établir à 6,5% en 2018, selon nos estimations. Les acteurs peinent de fait à répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs clients en raison d’une concurrence intense.
Aujourd’hui, la filière compte plus d’un millier d’opérateurs aux profils variés. Les grands groupes du Btp dominent ainsi les travaux. Des sociétés telles que Snadec et Wig France Entreprises sont également actives dans ce domaine. Les leaders du diagnostic immobilier et des analyses (Qualiconsult ou Eurofins Scientific) s’affrontent eux sur le créneau du diagnostic amiante. Sans oublier les géants des services environnementaux (Suez et Veolia) qui figurent parmi les acteurs majeurs de la filière, en se positionnant sur plusieurs maillons comme l’ingénierie, les travaux et le traitement.
Comment cherchent-ils à réduire le coût de leurs interventions ?
Les professionnels tentent de mettre au point des solutions plus économiques. C’est le cas de Boulenger et Cie (Wig France Entreprises) qui a créé une solution de recouvrement des sols amiantés. La robotique suscite également un vif intérêt chez les acteurs. Les robots-désamianteurs permettraient en effet de limiter les interventions humaines et donc de réduire considérablement les coûts de main d’œuvre ainsi que les dépenses liées au confinement et aux équipements de protection individuelle.
Les acteurs du désamiantage misent aussi sur le développement des outils numériques, comme le BIM, pour optimiser la conception, l’encadrement et le suivi des travaux. Dans le même temps, ils cherchent à diversifier leurs débouchés, en se positionnant sur des marchés émergents comme l’analyse et le traitement de l’amiante dans les navires, et à augmenter leurs capacités d’intervention en procédant notamment à des opérations de croissance externe. Le développement à l’international n’est en revanche pas d’actualité, une cinquantaine de pays seulement ayant jusqu’à présent interdit l’amiante.
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