Actuellement examiné au Parlement, le projet de loi sur l’économie circulaire vise notamment à une meilleure qualification des déchets issus de la déconstruction des bâtiments, en vue de leur réemploi. L’occasion d’échanger avec Noé Basch, fondateur et directeur développement de Mobius, entreprise combinant AMO et réemploi des déchets, lauréate 2019 du Grand Prix Charles-Henri Besnard de la Fondation du Cnam.

Quelle(s) mission(s) conduit votre entreprise ?

Nous  fournissons trois types de missions, relativement complémentaires. Tout d’abord, nous assurons une mission d’AMO déconstruction auprès des maître d’ouvrage privés et publics afin de les conseiller sur les possibilités de déconstruction plutôt que de démolition de leurs bâtiments.

Cette approche – qui va plus loin que le simple diagnostic déchets imposé à la maîtrise d’ouvrage par la réglementation depuis 2012 (lire zoom n°1) – débute par la réalisation d’un « diagnostic ressources » (de quoi êtes vous propriétaire ?) et se poursuit avec l’élaboration d’un schéma directeur, détaillant les matériaux à conserver afin d’être valorisés (en bureaux : dalle de faux-plancher, moquette, mobilier, disjoncteur…), les matériaux à donner à des associations/artisans et les matériaux à vendre… Nous avons par exemple assuré une mission de ce type dans le cadre de la déconstruction de plusieurs bâtiments de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul (Paris 14ème).

Nous assurons également des missions d’AMO construction pour le compte des maîtres d’ouvrage afin de les informer sur les possibilités d’intégrer des matériaux issus du réemploi dans leur projets neufs ou rénovés. 

Enfin, notre dernière mission vise à valoriser les matériaux qui peuvent être recyclés, en identifiant les filières de recyclage et de réemploi.

Zoom : Ce que prévoit le texte du projet de loi économie circulaire

Discuté en ce moment au Parlement, le projet de loi « anti-gaspillage pour une économie circulaire » prévoit notamment de renforcer le poids du diagnostic déchets dès 2020. Obligatoire depuis le 1er mars 2012 pour les démolitions et réhabilitations lourdes de bâtiments de plus de 1 000 m² de Shob, il serait dès lors étendu aux « réhabilitations significatives ».

Des sanctions financières sont également annoncées en cas de défaut d’établissement du diagnostic. Une situation très fréquente selon le ministère de la Transition écologique et solidaire : seules 5 à 10 % des opérations de déconstruction bénéficieraient d’un diagnostic déchet en bonne et due forme.

Dans ce cadre, vous avez d’ailleurs initié une filière de réemploi…

Il y a deux ans, nous avons créé à Rosny-sous-Bois un atelier de reconditionnement des dalles de faux-plancher technique, ces planches sous lesquelles passent les câbles électriques, informatiques ou téléphoniques dans les bureaux. Composées d’un panneau de bois, d’un bac acier et de tiges métalliques, elles sont reconditionnées puis revendues, à un prix moins élevé que les neuves.

Au-delà de l’aspect financier, les matériaux et produits du bâtiment  réemployés permettent de diminuer le poids carbone de la construction future. C’est une belle carte à jouer pour les maîtres d’ouvrage engagés dans une démarche de construction bas carbone (type BBCA ou E+C-).

En réutilisant des dalles sur l’opération Pulse d’Icade à Aubervilliers par exemple, nous sommes parvenus à diminuer de 10% le critère « carbone » du projet, labellisé depuis « BBCA Excellent » et « E2C1 ». Nous avons depuis transmis une demande de FDES afin de réaliser l’ACV de notre solution pour qu’elle soit plus facilement prescrite par les professionnels. Elle sera disponible d’ici février 2020.

D’autres filières devraient suivre : nous devrions prochainement ouvrir un atelier de surcyclage de portes en bois. L’ouverture d’un magasin à destination des particuliers et des artisans avec matériaux issus de la déconstruction de bâtiments de logements – luminaires, parquets, sanitaires blancs, électricité, etc – est également au programme.

Quid des assurances pour ces matériaux réutilisés sur un nouveau chantier ?

Cela ne pose pas de problème dès lors que l’on est en capacité de faire attester par un organisme compétent que les produits reconditionnés répondent aux normes en vigueur. Nos dalles ont ainsi été testées afin de répondre aux cinq critères en vigueur : rupture, charge, classement au feu, électromagnétique et isolement acoustique. Chaque critère est vérifié par un laboratoire selon sa spécialité : rupture + charge chez Ginger, classement au feu au LNE, acoustique via le CSTB, etc.

Les tests permettent de valider auprès du contrôleur technique la conformité à la norme d’une part, et de garantir à notre assureur une base d’assurabilité afin de nous fournir une « Responsabilité Produit du BTP » (décennale).

Zoom : Un marché en ébullition

Mobius n’est pas le seul acteur présent sur ce jeune marché du réemploi et du recyclage de matériaux de construction. D’autres structures se sont lancées ces dernières années dans le domaine, à l’image de la plateforme cycle-up.fr ou backacia.com, sorte de place de marchés. On peut également citer mineka.fr, une association créée par des architectes en Rhône-Alpes.