La classe d’une école élémentaire parisienne a vu sa température intérieure diminuer de 6°C après l’application sur sa toiture d’une peinture blanche réflective, conçue par l’entreprise Cool Roof.
Développée en Bretagne depuis 2015 par la société du même nom (lire plus bas), la peinture thermique Cool Roof est actuellement testée sur une toiture de l’école primaire Louis Blanc, dans le Xème arrondissement de la capitale. « La ville de Paris nous a contacté car cet établissement comprenait plusieurs classes, sous toiture terrasse, où la température pouvait atteindre 35°C à la mi-journée », explique Antoine Horellou, directeur de Cool Roof France.
Pour tester la solution, la ville décide de recouvrir la toiture d’une des deux salles de classes du dernier étage de peinture, tandis que l’autre salle est laissée en l’état.
Sondes de température
En avril dernier, après un nettoyage de la toiture et la pose de deux couches de peinture Cool roof et d’un vernis protecteur – trois jours de chantier au total – la salle de classe est « isolée » grâce à la peinture, et rendue à ses occupants. Coup de chance, les salles – la traitée comme la non-traitée – sont équipées de sondes de température, posées sous le plafond par Engie Cofely, dans le cadre de son contrat de performance énergétique passé avec la ville et portant sur 140 écoles parisiennes.
Le résultat est étonnant : l’écart entre les deux salles peut atteindre 6°C les jours les plus chauds. « Avec la peinture, nous sommes également parvenus à supprimer les températures d’inconfort (supérieures à 28°C) durant l’ensemble de la période », ajoute le responsable. Fin juin, une réunion devait décider des suites à donner à cette expérience.
Amortie en quatre ans
Antoine Horellou est d’ores et déjà convaincu des performances de sa peinture, expérimentée en Bretagne depuis 2014. « À l’origine, elle a été développée à la demande de Frédéric Lachèvre, gestionnaire du supermarché Leclerc de Quimper, qui ne trouvait pas de solution de rénovation pour sa membrane bitumée », rappelle le dirigeant. Face à des coûts de climatisation en hausse, et alors que remplacer l’étanchéité se révèle impossible techniquement (charpente trop ancienne), il suggère à ses fournisseurs (Corre, Madec-électricité, A-Therm) de développer une peinture à absorption solaire renforcée.
Avec une baisse de 6° en moyenne, les factures énergétique et maintenance ont diminué de 20 000 euros par an. « Avec l’aide de bureaux d’études indépendants, nous avons évalué le temps de retour sur investissement à quatre ans », précise Antoine Horellou.
Combien ça coûte ?
Le m2 de peinture Cool Roof fournie-posée-instrumentée s’affiche à 20 euros HT. Entreprise sociale et solidaire, Cool Roof propose également un tarif social, à 18 euros HT. Celui-ci est destiné aux Ehpad, établissements d’accueil de la petite enfance, écoles maternelles et élémentaires, établissements de santé… Si aucune aide n’existe pour le moment, Cool roof travaille à la reconnaissance de sa solution dans le cadre des CEE. Une FDES (fiche de déclaration environnementale et sanitaire) est également en cours d’élaboration.
Toitures amiantées
Si le fabricant n’exclut pas de recouvrir des toitures résidentielles, il vise en priorité les toitures de locaux commerciaux, puis des établissements et équipements publics. « En France, il y a près de 50 millions de m2 de toitures commerciales, chiffre Antoine Horellou. Ce sont souvent des toitures anciennes, sur lesquelles on ne peut pas ajouter le poids d’une nouvelle membrane d’étanchéité, parfois micro-fissurées par le soleil, ce qui provoque des infiltrations ».
Il est également possible de mettre en oeuvre la Cool Roof sur les toitures amiantées peu dégradées : « Nous recourons alors des professionnels formés en sous-section 4 avec un mode opératoire réglementaire : nous récupérons les eaux de lavage de la toiture par exemple ».
Enfin en renvoyant 90% de la chaleur solaire frappant la toiture contre 60% pour une peinture classique, le Cool roof maintient dans une zone de température ambiante les équipements placées en toiture, contribuant à améliorer leur fonctionnement : panneaux photovoltaïques, groupes CTA et pompes à chaleur… Un moyen de lutter partiellement contre le phénomène d’îlot de chaleur urbain.
« Notre peinture thermique n’est pas une solution miracle, plutôt une solution de bon sens, complémentaire des autres outils de gestion des apports solaires, au côté des brise-soleil, casquettes solaire, des éco-gestes et d’une bonne ventilation », conclut le responsable.
La peinture blanche en toiture, une idée qui imprime sa marque dans le monde entier
Si le principe de peindre les toits en blanc remonte à la Grèce antique – et peut-être plus loin encore – la peinture thermique, qui réduit l’absorption solaire, connaît un regain d’intérêt ces dernières années, dans le bâtiment mais pas seulement. « La peinture blanche renvoyant le rayonnement solaire est désormais obligatoire pour les bâtiments de plus de 1000m2 dans une vingtaine d’États américains, et la ville de New-York repeint ses toits avec de la peinture thermique identique depuis 2010 », rappelle Antoine Horellou.
En France, le Plan bâtiment durable a également repertorité la solution Cool Roof dans son rapport consacré à la rénovation énergétique des bâtiments éducatifs. Une initiative Cool Roof sera peut-être mise en place prochainement à l’échelle d’un territoire : l’idée de blanchir les toits de Grenoble a été retenue dans le cadre du budget participatif 2018. Rendez-vous début octobre pour savoir si l’idée a été estimée faisable techniquement par la collectivité. Côté transports, la ville de Los Angeles a décidé de peindre certaines de ses routes en blanc en 2017, pour lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur, suivant ainsi les recommandations du Cities Climate Leadership Group (C40).